L'école buissonnière, ou IEF

Extrait standard de dialogue (si on gagnait 10 euros chaque fois, on pourrait payer un billet d’avion supplémentaire):
- On part deux ans en voyage
- Wouah la chance !
(variante : « Vous êtes courageux, moi je ne pourrais pas »)
…. mais comment vous allez faire pour les enfants ?
- Oh ben, le magasin ne les reprenait pas, donc on les emmène.
- Mais, mais, et l’école ?
- Quelle école ? Ils ne vont pas à l’école.

Là, généralement l’interlocuteur hésite entre appeler les services sociaux ou le journal pour lui raconter ces phénomènes de foire.
C’est que non, l’école n’est PAS obligatoire en France. C’est l’instruction qui l’est, nuance. Instruction qui peut parfaitement être dispensée par les parents : on appelle cela l’IEF, instruction en famille.

Il doit y avoir à peu près autant de façons de faire IEF que de familles concernées : faire son marché entre cursus académique, Montessori, Steiner, Mason, unschooling, mélanger un peu comme on a envie, touiller, tester, ajuster tous les 6 mois…
Chez nous, ca donne à peu près une heure à une heure trente de maths et français quatre matins par semaine, beaucoup de jeux de société, des échappées dans les prés et bois quand le soleil nous y invite, des expériences et lectures au gré des thèmes du moment, et un nombre incalculable d’heures de lecture pour M.

Alors, à l’heure de faire les bagages, voici au moins un sujet qui ne demande pas trop de réflexion : un fichier de maths (on reste fidèle à Singapour de la Librairie des Ecoles), un cahier de géométrie (Jocatop), un livret de français (Cléo pour le CP-CE1, la Chouette à partir du CE2) et voilà. Pour Victor (4 ans  et demi au départ), un cahier d’activités GS sera parfait.
Et le sable de la plage pour tracer les lettres, les vieilles pierres pour l’Histoire, la jungle et le désert pour les climats, les hommes du monde pour l’éducation morale et civique.

Le monde sera l’école.

J’écris ces lignes début décembre 2020. On devrait bientôt savoir si elles restent d’actualité…. Notre cher gouvernement si respectueux des droits de chacun ayant décidé que l’IEF est un terreau de terrorisme et devait être interdit. Hum, combien des terroristes de ces dernières années ne venaient pas de l’école de la République, déjà ? Réponse : zéro.

Pourquoi IEF, au fait ? Au départ, parce que Margaux ne rentrait pas, et ne rentre toujours pas, dans un moule standard. Parce que l’école française, si formatée, n’est pas adaptée aux enfants dyspraxiques, hypersensibles, lunaires, trop vifs, ….
Parce qu’on a renoncé à cabosser nos enfants pour les faire rentrer dans ledit moule de l’école. Parce que l’enfance, c’est court dans une vie, et ce n’est qu’une fois. Parce qu’ils ont le temps de dormir, dévorer des romans, élaborer des constructions sophistiquées et des dessins détaillés, rire ensemble, faire un bonhomme de neige ou une cabane dans les bois – et pas seulement une heure le soir ou le WE.
Parce qu’ils vont à leur rythme : Margaux a lu toutes les Cabanes Magiques avant la mi-CP, Corentine fait du calcul à 7h du matin, et Victor a boudé tout stylo jusqu’à 4 ans, pour se mettre du jour au lendemain à dessiner des bateaux élaborés ou tracer des mots.
 Parce que, quand on a goûté à la liberté, on a du mal à la rendre au magasin. Un peu comme les enfants, en fait.
Ou comme le voyage.

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