C'est comment.... La Norvège en hiver?

Après notre promenade autour de l'Europe, une légère fatigue se faisait sentir. Il était temps de se poser pour souffler, jouer aux Legos, lire, et manger du chocolat à température tempérée (ne jamais mettre le chocolat au frigo). On aurait pu louer un appart à Triffouillis-les-trois-oies, on a préféré répondre aux sirènes du Nord. On a donc installé notre camp de base dans une confortable maisonnette des Alpes de Lyngen pour sept semaines. A nous la neige et les aurores boréales (et le chocolat).


Ça roule?

Ça roule sur la glace. Le chasse-neige passe et repasse, cinq fois dans la journée si nécessaire, mais pas de sel ici, ça fondra tout seul au printemps (après une étape ornières et trous à regretter le temps du billard de glace).

Si les pneus sont souvent cloutés, les piétons ne sortent pas les crampons : ils préfèrent pousser un traineau, où on pourra asseoir les enfants, voire atteler le chien.

En ce pays où la montagne tombe dans la mer, les routes se retrouvent parfois prises en étau entre les deux. Gare aux fermetures inopinées par risque d'avalanche !


Urbi et orbi

Le concept de ville est tout relatif au Nord du cercle polaire. La ville, c'est le supermarché (qui vend de la levure fraîche, des farines par pack de 12 kg et de la laine) et la station essence. La grande ville, c'est Tromso, dont on peut traverser le centre à pied en moins de 30 minutes. Le lxe de la proximité des commerces et commodités se paie cher, l'immobilier est hors de prix.

Sortis de la ville, de la neige, des bouleaux, un fjord, une vallée. Une poignée de maisons de bois colorées. Pas trop de soucis de voisinage par ici. A en juger par les ribambelles de traces dans la neige chaque matin, il ne faudrait pas oublier au nombre de ces voisins, lièvres arctiques, loirs, fouines, martres, loutres et lynx. Les oiseaux ne sont pas en reste : goélands, merles, aigles, grives, mésanges.... 


Qu'est-ce qu'on mange?

Le concept "cinq fruits et légumes par jour" semble n'avoir pas cours en Norvège. Ou alors sous forme de punition, vu le prix et le manque de saveur de la plupart. Pas vu une seule courge, et le légume le meilleur marché en février était.... l'aubergine.

On ne sait pas comment est perçue l'huile de foie de morue, mais tout est bon dans le cabillaud, y compris graisse et oeufs.

Grand classique aussi, les kjottbullers, ces boulettes de viande, à déguster avec sauce et confiture d'airelles. Bref, faute de bons légumes, on se rattrape sur les protéines.

Au rayon douceur, la confiture de mûres arctiques et la crème des trolls (mousse à la groseille) remportent les suffrages. Plus surprenant, on peut aussi agrémenter ses gaufres de gudbrandsdalsost, ce curieux fromage caramélisé.

La crème glacée a également sa place d'honneur, y compris quand il fait -10 dehors. C'est pratique, il suffit de laisser le pot sur le balcon. D'ailleurs, si on n'a pas vu l'ombre d'un camion boulanger ou pizza, le camion de surgelés passe toutes les semaines dans notre minuscule hameau sur une route sans issue.

Comme partout en Fennoscandie, les bonbons se déclinent en 50 sortes au supermarché. Nous on préfère le chocolat, presque aussi bon que le Marabout finlandais.


Ainsi va la vie

On a beaucoup discuté d'école. Pour faire court, c'est une autre planète : entrée à l'école à 6 ans (3 ans en France? Mais c'est trop jeune, ils ont besoin de leurs parents et de jouer!), horaires 9-15h ou 8h30-13h30, effectifs ne dépassant pas 20 élèves par classe (30 ou plus?! Mais c'est impossible !), activités manuelles (Les petits Français n'apprennent pas le tricot, la cuisine ni le travail du bois?)....

Point de soupe aux hormones du collège, ici les élèves restent en école primaire jusqu'à 15 ans. Pour les campagnards, direction l'internat pour le lycée, vu comme le temps de l'indépendance. On ne sait pas si ça évite les crises d'adolescence.

Les lycéens peuvent aussi aller passer trois ans à l'étranger : ainsi, plusieurs lycées français leur proposent une seconde en internat puis une première et une terminale en famille d'accueil, avec bac franco-norvegien à la clé.


Corollaire des horaires scolaires, les parents sortent de bonne heure du travail : 15h n'a rien d'exceptionnel, heure de pointe à Tromso entre 15h30 et 16h.

Si une tête blonde est malade, il suffira de passer un coup de fil, inutile d'aller quémander un certificat médical....


Un régime à base de bonbons et pomme de terres n'ayant pas un effet très heureux sur la ligne, les enfants sont encouragés à faire du sport l'après-midi - ou souvent, le soir, après le repas .... Qui est pris à 15h30 ou 16h. 

Ainsi, la ville de Tromso prête des skis pour la saison à tous les enfants résidents. Au village voisin, la cour d'école se transforme en stade de ski de fond à la récré. 


Le tricot est une institution. Des réunions tricot se tiennent chaque semaine, et les magasins de laine proposent une palette de couleurs qui défie l'imagination.


Le pays, bien que membre de l'OTAN, conserve des relations amicales avec la Russie, qui l'a libéré en 1945 sans chercher ensuite à l'annexer (on n'a pas pensé à demander pourquoi ce dédain. Peut être parce qu'on n'avait pas encore découvert de pétrole) - contrairement aux Finlandais qui ont dû abandonner une partie de la Carélie et le corridor de la Petsamo. 

Enfin, ça c'était avant le Poutinavirus en Ukraine. Ensuite, la situation s'est un peu tendue à la frontière.


Covid-era

Covid ? Quel covid? Un masque à la salle des fêtes, mais non, pas la peine.

Mi février, le gouvernement vient clarifier encore un peu plus tout ça, en levant toutes les mesures covid. 


La pluie et le beau temps

Regardez sur une carte. Tromso est plus au Nord que le Yukon ou (Groenland). Et pourtant, quand il fait -25 en Laponie finlandaise (et -50 à Iqaluit, Terre de Baffin), le thermomètre affiche un petit -12, allez -17 au fond de la combe. Le miracle s'appelle Gulf Stream, ce courant chaud qui longe la côte norvégienne.

Côté précipitations, le climat est réputé plus arrosé que le plateau lapon. On en avait eu un aperçu humide (humide? Non, trempé) en juillet dernier. Mais Grand Manitou météo devait estimer que ça suffisait, et s'est contenté de 3 chutes de neige en 5 semaines. Les deux dernières semaines, sa patience devait commencer à s'user à l'approche du printemps, et la pluie a pris le relais - entre deux belles journées, rien n'était perdu.

Non, à ces latitudes, on surveille plus haut que les nuages. On guette le soleil, qui fait son retour après trois mois de nuit et d'heures bleues, et grimpe avec panache chaque jour plus haut dans le ciel. C'est qu'il a trois mois seulement pour passer du rien de la nuit polaire, au tout du soleil de minuit....

Et puis on guette les aurores boréales, ces féeries qui renvoient le feu d'artifice au rayon des jouets de plastique avec pouêt-pouêt et clignotants. Indescriptible. Et in-retransmissible sur Youtube. Il faut les vivre en vrai, ces aurores. Regarder les rubans de lumière danser, s'étirer, virer du turquoise au rose, dans le silence de la nuit et la froide clarté des étoiles.





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